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dimanche 8 novembre 2015

Recensions de nos partitions dans l'éducation musicale de novembre

Recensions de Daniel Blackstone dans
l'Éducation Musicale n°97 de novembre 2015

 

CHANT

Michel LYSIGHT : Three Philosophers Songs  sur un texte d'Alain Van Kerckhoven pour baryton, flûte, violon, violoncelle et piano. Delatour : DLT2500.
Sur un texte en anglais, l'auteur nous présente trois contes philosophiques librement inspirés de trois mythes occidentaux : le premier, inspiré de Caïn et Abel, le deuxième du destin de l'acacia et le dernier s'inspire de la légende de Saint Nicolas. L'ensemble laisse un rôle majeur aux parties instrumentales qui dialoguent constamment avec le chanteur. Il y a un grand lyrisme dans cette œuvre attachante.




Nicolas CHEVEREAU : Quatre poèmes de Ronsard pour baryton et piano. Delatour : DLT2543.
Parmi ces quatre poèmes de Ronsard, trois sont tirés du recueil Les Amours : Comme on voit sur la branche au mois de May est extrait du livre « Sur la mort de Marie » et date de 1578 ; Le printemps n'a point tant de fleurs s'intitule Chanson dans le livre « Nouvelle continuation des amours » (1556) et Ciel, air, et vents est issu du deuxième livre des « Amours » et date de 1552. Quant au poème Pourtant si j'ay le chef plus blanc, il est tiré du quatrième livre des « Odes » publié en 1550. On voit que le choix de l'auteur n'est pas anodin, car il réunit en un recueil des poèmes qui ont en commun une vision de l'amour dans sa dimension exaltante et passagère. La mort n'est jamais loin… Le langage utilisé est ce que l'auteur appelle un « langage tonal élargi ». Le discours musical ne fait pas redondance avec les poèmes mais les éclaire continuellement. Le chant est lyrique, mais avec beaucoup de pudeur et de retenue.


CHŒURS

Michel LYSIGHT : El Niño de Atocha  sur un texte d'Alain Van Kerckhoven pour chœur mixte à 5 voix (SATBB). Delatour : DLT2501.
Créée le 13 mai 2012 à Bruxelles, cette œuvre a été inspirée par les confidences faites à l'auteur du texte par une jeune femme de république dominicaine. El Niño de Atocha est un « enfant Jésus » local qui protégeait des sorciers et calmait les peurs de la petite fille. L'alternance de deux thèmes musicaux, l'un à caractère de berceuse populaire, l'autre plus rythmique crée une ambiance typique. Bien que consonnant, l'ensemble demande un chœur aguerri à cause de la virtuosité de certains passages, d'autant plus qu'il est important que le texte soit parfaitement compréhensible. Mais on sera récompensé du travail demandé par la beauté de l'œuvre.

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ORGUE

Jean-Christophe AURNAGUE : Suite ailée.  Œuvre pour grand orgue. Delatour : 2429.
Cette œuvre a été écrite à l'occasion de la restauration de l'église du Sacré Cœur de Monaco. Titulaire de l'orgue de cette église, l'auteur témoigne de son émotion et de son émerveillement dans cette Suite en trois parties, trois battements d'ailes. Il nous entraine d'abord  sur les ailes de la charité. Puis un Adagio nous fait planer grâce aux Ailes de la Foi. Enfin, une toccata nous entraine avec les Ailes de l'Espérance. Le tout est tout à fait jubilatoire sans être d'une difficulté insurmontable, mais demande un instrument capable de rendre toutes les couleurs demandées par cette Suite.




FLÛTE A BEC

Jean-François PAULÉAT : Prise de Bec  pour quintette de flûtes à bec. Delatour : DLT2247.
Cette « prise de bec » est constituée d'un thème et de neuf variations. Elle est écrite pour deux flûtes sopranes, une flûte alto, une flûte ténor et une flûte basse. L'écriture en est très classique, ce qui ne veut pas dire que cela manque de charme, bien au contraire. Si le thème peut être joué par des élèves de premier cycle, les variations font appel à des flûtistes plus aguerris (jusqu'à début troisième cycle). Toutes les variations ne sont pas en quintette : duos, trios se succèdent. L'ensemble pourrait être donné avantageusement en audition par toute une classe de flûte à bec. C'est en tout cas une œuvre aussi variée qu'intéressante.
 


MUSIQUE DE CHAMBRE

Sanam GHARACHEH : Une petite question pour alto, violoncelle et contrebasse. Assez facile. Delatour : DLT2532.
Publiée dans la collection « Le temps des basses », cette courte pièce en trois parties touche au tonal, au modal et à l'atonal avec beaucoup de fluidité et de charme. Il y a même un passage que les jeunes interprètes doivent jouer « non synchrone » et ils sont priés de s'attendre pour commencer ensemble la dernière partie. Il s'agit, pour la contrebassiste qui en est l'auteur, de rendre la musique contemporaine accessible aux jeunes instrumentistes. Elle y réussit ici pleinement.


Anthony GIRARD : Une îcone  pour vibraphone et orgue. Delatour : DLT2475.
L'indication de départ : « Modéré, mais joyeux, bondissant comme une danse immatérielle » résume admirablement le contenu de cette œuvre. Ce n'est pas le dessin de l'icône mais le chatoiement de ses couleurs qui doit iriser cette pièce conçue quasiment comme un kaléidoscope aux multiples facettes. La partie d'orgue « est basée sur quatre accords répétés jusqu'à la fin de la pièce ». Répétés, certes, mais monnayés sans cesse. Il faudra, bien sûr, que l'instrument, et pas seulement l'organiste, soit capable de traduire ces jeux de lumière…


Jean-Christophe AURNAGUE : Suite ailée.  Transcription pour hautbois, basson et orchestre à cordes de Christian Escaffre. Delatour : DLT2555.
On se reportera, pour les commentaires sur cette œuvre, à ce qui en est dit plus haut dans la rubrique « orgue ». Il s'agit en effet d'une œuvre pour orgue. Nous n'avons pas trouvé d'explication à cette transcription, manifestement faite en plein accord avec l'auteur. Nous ne pouvons ici que redire toutes les qualités de ce triptyque.



Jean-François PAULÉAT : Première Suite en Trio  pour flûte traversière, flûtes à bec et violon. Deuxième Suite en Trio  pour flûte traversière, flûtes à bec et violon. Delatour : DLT2167 et DLT1960.
Nous réunissons en un seul compte-rendu ces deux œuvres car elles comportent beaucoup de points communs. Qu'on ne se trompe pas sur la mention « flûtes à bec » au pluriel : il y a bien un seul instrumentiste pour toute la famille des flûtes, dont il jouera parfois simultanément. Les deux suites se complètent. Il s'agit à chaque fois d'un bouquet de dix courtes pièces très variées qu'on pourra jouer à la suite, dans le désordre, séparément, au gré des humeurs et des besoins des interprètes. L'écriture est élégante, à la fois classique et inventive, fort agréable en tout cas. L'instrumentation atypique concours au piment de l'ensemble.

 



ILBARRITZ impressions romanesques - Pièces de concert pour grand-orgue de Jean-Christophe Aurnague

Recension d'Édith WEBER dans
l'Éducation Musicale n°97 de novembre 2015

ILBARRITZ impressions romanesques - Pièces de concert pour grand-orgue de Jean-Christophe Aurnague

2 CDs. Référence CDT0026.  TT : 46'31+48'51

Distribution : DELATOUR FRANCE

Jean-Christophe Aurnague, né en 1961 à Bayonne, a été le brillant élève notamment d'Ermend Bonnal et, plus tard, de Xavier Darasse. En 1986, il est titulaire des Grandes-Orgues de l'Église royale de Saint-Jean-de-Luz et, 10 ans après, de l'Église du Sacré-Cœur à Monaco où il participe aussi à de nombreuses célébrations. À temps perdu, il compose pour son instrument. Ces deux disques ont été enregistrés en 2014 et 2015 à l'Orgue Tamburini (1979) de l'Église St Charles de Monaco.
Le CD 1 est intitulé : Impressions romanesques d'Ilbarritz. Il s'agit de Pièces de concert pour grand-orgue évoquant la « lumière jaillie du granit », les « litanies de la mer » et une « rhapsodie labourdine » (cet adjectif en dialecte basque se rapporte à la région de St-Jean-de-Luz), ainsi que des Chants spirituels (Kantu izpiritualak) s'inspirant du folklore et des traditions locales. Ses Impressions romanesques (CD 1 : plages 1-3 ; CD 2 : pl. 2-4) sont descriptives : d'une part, elles restituent musicalement la lumière, la mer, les déferlantes des océans et des cieux ; d'autre part, elles rappellent des Légendes de Biarritz (CD 2 : pl. 3) et Ilbarritz Toccata (CD 2 : pl. 4). Quant aux Chants spirituels (Kantu izpiritualak), ils sont intitulés : Méditation sur le cantique basque « Zato, Izpiritua » (CD 1 : pl. 4), en perpétuel mouvement. Cette même inspiration se retrouve dans la Toccata sur un cantique basque à N.D. de Roncevaux (CD 1 : pl. 5), de facture plus classique, massive, avec des oppositions de claviers et de nuances ; Hor Zaude, Jesus (Tu es là, Seigneur Jésus), très élaboré,  s'élevant lentement des profondeurs, oscillant entre discrétion et brillance pour aboutir à une conclusion énergique (CD 1 : pl. 6) ; ainsi qu'un Choral, Variations et Toccata sur un Chant basque de la Messe des morts (CD 2 : pl. 1 ; 21' 06), de caractère massif, bien enlevé (nécessitant une virtuosité à toute épreuve) ou évocateur, avec des registrations et peintures d'atmosphère très diversifiées. 

Les Éditions DELATOUR FRANCE ont le mérite non seulement de publier les partitions de Jean-Christophe Aurnague, mais encore de les enregistrer. À noter également la présentation originale si bien ciblée par Jean-Claude Thévenon de ce coffret hors du commun, qui se veut aussi un In memoriam au regretté Chanoine Henri Carol (1910-1984), organiste et maître de chapelle émérite de la Cathédrale de Monaco. Jean-Christophe Aurnague s'impose à la fois comme remarquable organiste et ardent défenseur de la musique d'inspiration basque.

La création artistique en Allemagne occupée (1945-1949). Enjeux, esthétiques et politiques

Recension d'Édith WEBER dans
l'Éducation Musicale n°97 de novembre 2015

 Élise Petit (dir.) : La création artistique en Allemagne occupée (1945-1949). Enjeux, esthétiques et politiques.

Collection Avant-Gardes, 2015, 266 p. – 29 €. Réf. BDT0057

Ouvrage publié avec le soutien du CNL (Centre National du Livre)

En Alsace annexée par l'Allemagne nazie entre 1940 et 1944, la musique de compositeurs juifs ou étrangers, considérée comme « dégénérée » (entartete Musik), était interdite. En Allemagne occupée entre 1945 et 1949 après la capitulation du IIIe Reich, le processus de dénazification est engagé et la renaissance artistique se manifestera différemment à l'Est et à l'Ouest, en fonction des idéologies politiques et des valeurs de démocratie et de liberté défendues par les Alliés. Celles-ci se répercuteront sur la production musicale, artistique, littéraire, cinématographique et théâtrale.

Élise Petit — Docteur en musicologie, spécialiste de la création musicale et des orientations idéologiques en Allemagne (avant et après 1945) — a regroupé une douzaine d'articles ponctuels autour de l'articulation des deux problèmes : « démocratisation de la musique » et « liberté ». Il en résulte deux acceptions idéologiques : d'un côté, en Allemagne de l'Est, « l'esthétique du réalisme socialiste prévaut » (p. 4 de couverture) ; de l'autre côté, l'Allemagne de l'Ouest remet à l'honneur les musiciens et les esthétiques qualifiés de « dégénérés » par le IIIe Reich. Comme le souligne É. Petit : « la rééducation du peuple allemand se mue progressivement en une réorientation idéologique ». Enfin, dans les quatre zones occupées (américaine, anglaise, française et russe), les cheminements esthétiques et les enjeux idéologiques sont multiples. C'est le mérite de ce livre qui, au fil des pages, les font découvrir sous un aspect jusqu'ici inédit et correspondant bien au titre de la Collection « Avant-Gardes ».

Trois parties aux titres percutants : Esthétique du traumatisme, Rééducation par les Arts et Controverses esthétiques et affrontements idéologiques révèlent des situations parfois inattendues, d'une part à travers des compositeurs tels que Karlheinz Stockhausen, entre autres ; des poètes et philosophes, Paul Celan, Thomas Mann, Berthold Brecht (en RDA)… ; le cinéma, le théâtre et la place réservée à l'art moderne par l'esthétique moderniste en zone russe ; les problèmes inhérents à la rééducation du peuple allemand, sans oublier les enjeux musicaux français dans le cadre des célèbres Cours d'été à Darmstadt (zone américaine) portant sur la nouvelle musique avec ses acteurs : compositeurs, interprètes, pédagogues et historiens.

Nos lecteurs seront, bien sûr, intéressés par cette tranche d'histoire de la musique Outre-Rhin avec une vision structuraliste (musique sérielle : René Leibowitz, Pierre Boulez, Arnold Schönberg…) ; par les expériences microtonales (Ivan Wyschnegradsky)... À côté du néoclassicisme et du post-romantisme désuet, la volonté de modernité règne dans la zone américaine où les musiciens communistes sont décrétés persona non grata. En fait, de larges subventions favorisent la modernisation artistique et répondent également à l'impérieuse nécessité de l'enseignement artistique en tant que moyen de rééducation après la Seconde Guerre mondiale. Bref : une page d'histoire musicale européenne à découvrir, accompagnée d'une Bibliographie ciblée (un Index des noms propres eût été éclairant), et également un livre très révélateur sur les plans historique et sociologique, esthétique et créatif, stratégique et politique pendant ces quatre années de l'immédiat Après-guerre.

mercredi 4 novembre 2015

Création de la Symphonie n°2 de Gérard Hilpipre par Pascal Réber, orgue

Création de la Symphonie n°2 de Gérard Hilpipre

Pascal Réber à l'orgue Cavaillé-Coll

en l’Église Saint-Etienne catholique de Mulhouse

Dimanche 22 novembre 2015 à 17 h

Concert en hommage à Albert Schweitzer


mercredi 2 septembre 2015

Recensions partitions Delatour France dans l'Éducation Musicale n°95 de septembre 2015

Recensions de partitions par Daniel BLACKSTONE
 dans l'Éducation Musicale n°95 de septembre 2015

 

CHANT CHORAL

Jean-Charles GANDRILLE : Agnus Dei  pour chœur mixte SATB a cappella. Delatour : DLT2526.
La seule difficulté de ce chœur, c'est que les voix sont très souvent divisées. Sinon, la pièce n'offre pas de difficulté technique. C'est simple et beau, mettant avant tout en valeur le texte. Pièce dépouillée et expressive, elle correspond tout à fait au souhait de l'auteur : « Par la beauté d'une musique sacrée, on peut accéder à la foi ». Est-ce à dire que la laideur de certaines pièces d'église peut la faire perdre ? Horresco referens…



CHANT

Jean-Charles GANDRILLE : Cinq Élégies.  Mélodies pour soprano et piano sur des poèmes tirés de Alcools  de Guillaume Apollinaire. Delatour : DLT2527.
Ce cycle de mélodies a été écrit en 1999, à l'âge de dix-sept ans, suite à une déception amoureuse… On trouve dans ce recueil toute la recherche de couleur harmonique et de fluidité mélodique qui caractérisent le style de l'auteur. C'est beau et… difficile !




ORGUE

Jean-Charles GANDRILLE : Pièces minimalistes pour la liturgie. Delatour : DLT2371.
Ces pièces, de moyenne difficulté et ne demandant pas forcément un gros instrument (trois claviers sont souhaitables mais deux peuvent suffire) sont destinées à l'usage liturgique mais peuvent, bien sûr, constituer aussi des pièces de concert. Le style de l'auteur est à la fois moderne et traditionnel, dans la lignée des grands organistes français du XX° siècle. Minimalistes par la taille et une certaine sobriété, ces pièces ne le sont nullement par leur qualité spirituelle.


Jean-Charles GANDRILLE : Méditation  pour orgue. Delatour : DLT2129.
L'œuvre porte bien son nom : si elle ne demande pas un gros instrument (deux claviers – pédalier suffiront), il faudra en revanche pouvoir jouer sur l'ensemble gambe/voix céleste afin d'exprimer toute la finesse et la sensibilité de cette belle pièce.
 PIANO
Hervé CELCAL : Bel air for piano.  Delatour : DIS0001.
Peut-on donner une note de « difficulté » à un tel album ? C'est avant tout l'esprit qu'il faut avoir pour se lancer dans cette musique aussi originale qu'attachante. Hervé Celcal donne à tous les pianistes, amateurs comme professionnels, les clés pour découvrir grâce à des partitions écrites comme des pièces classiques pour piano, et d'autres en version « partition jazz », la musique traditionnelle de la Martinique. Pour en savoir plus, il suffit de consulter la présentation passionnante faite par l'auteur, soit sur le site de l'éditeur, soit directement sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=3BmJzfwa6DU

Jean-Charles GANDRILLE : Instants oniriques  pour piano. Delatour : DLT2528.
Notons qu'il est beaucoup plus facile de jouer ces pièces si on dispose d'une pédale de sostenuto. La première pièce, Grappes, joue, comme son nom l'indique sur les effets sonores, les résonnances, créant une émotion qui s'appuie sur la couleur harmonique. La deuxième, Raga, fait appel davantage à un langage monodique mais qui s'enrichit de toutes les résonnances créées par les agrégats sonores tenus et non joués. Ce sont des ambiances sonores à découvrir, qui incitent au rêve… comme le suggère l'auteur !

Jean-Charles GANDRILLE : Errance  pour piano. Delatour : DLT1954.
Cette courte pièce évoque « un personnage qui erre dans la plaine, contemplant les dégradés du coucher de soleil », dans la « nostalgie d'un amour perdu ». Tout est donc dans la recherche de la plus grande qualité sonore pour l'interprète, qui devra disposer impérativement d'une troisième pédale.
 HAUTBOIS

Gilles SILVESTRINI : Les Lusiades  pour hautbois seul. Très difficile. Delatour : DLT2298.
Cette œuvre illustre le célèbre ouvrage de Camðes, fondateur de la littérature portugaise qui, dans Les enfants du capitaine Grant  de Jules Verne sert au savant Jacques Paganel pour apprendre… l'espagnol ! L'auteur nous avertit : « Ma seule ambition a été de prolonger l'univers poétique de Camðes, à la fois lyrique, irréel et nostalgique. Le hautbois y est traité de manière expérimentale et quasi symphonique ». Des notes techniques accompagnent la partition.

MUSIQUE DE CHAMBRE

Jean-Charles GANDRILLE : Oblation  pour trompette en Ut et orgue. Delatour : DLT2194.
Cette très belle pièce, à la fois moderne par son écriture, et classique par son style porte bien son nom. On est séduit par l'ambiance méditative qu'elle crée et qui se déploie dans une sorte de mélopée accompagnée par de somptueux accords d'orgue. Un très bel enregistrement vidéo se trouve sur le site de l'éditeur et sur You Tube.

Jean-Charles GANDRILLE : Stèle  pour violoncelle et orgue. In memoriam Olivier Messiaen. Delatour : DLT2305.
Jean-Charles Gandrille nous gratifie d'une de ces atmosphères dont il a le secret : à la fois mystérieuse, envoutante, priante et avant tout, tout simplement fort belle. Puisque cette pièce est écrite « in memoriam Olivier Messiaen », comment ne pas évoquer ici « L'eau » (ou l'oraison) de la Fête des Belles eaux (1937) reprise dans la « Louange à l'éternité de Jésus » dans le Quatuor pour la fin du temps de 1940 ? La vidéo est disponible sur le site de l'éditeur et sur You Tube.

 

Recension du livre La traduction des émotions dans les musiques de films dans l'Éducation Musicale n°95. BDT0045

L'Éducation Musicale n°95 de septembre 2015
Recension d'Édith WEBER

Muriel JOUBERT, Bertrand MERLIER (dir.) : La traduction des émotions dans les musiques de films. 1 vol Sampzon, DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com), 2015, 325 p. – 25 €.

Placée sous le double signe de la transdisciplinarité et de la complémentarité, cette publication très originale et neuve sur le plan méthodologique est centrée sur les effets de la musique de film, présentés lors des journées d'étude organisées les 18 et 19 décembre 2012 à l'Université de Lyon II. Le sujet a nécessité la participation de chercheurs venant de nombreuses disciplines : musicologie, cinématographie et histoire ; sociologie, philosophie et phénoménologie ; psychologie, sciences cognitives et neurosciences et, en outre : littérature comparée, esthétique, technique vocale chantée et parlée, sciences de la communication et de la réception spectatorielle. Parmi les intervenants, le Professeur Michel Imberty s'est imposé d'emblée par sa triple approche philosophique, musicologique et psychologique ; ses travaux serviront de références. Cette confrontation a enrichi le champ des investigations autour du mot-clé : l'émotion, un peu au sens de la théorie de l'effet de vie lancée par le Professeur Marc-Mathieu Münch.
Ce volume collectif est structuré en deux parties distinctes. La première, plus spéculative, porte sur la définition, le sens ou l'acception à donner aux mots-clés : Musique de films et Émotion. Elle pose le problème des « mécanismes émotionnels dans la fiction », puis débouche logiquement sur la traduction des émotions dans les produits audio-visuels.  La seconde partie se situe au niveau de la démonstration et de l'étude de cas et d'exemples précis. Elle présente l'émotion musicale comme « une valeur ajoutée », gravitant autour de l'expression musicale favorisant l'émotion ; l'émotion intentionnelle, entre attente et inattendu, avec les émotions musicales et la narrativité. Enfin, le chapitre conclusif : De l'oral à l'écrit aborde plus particulièrement « les relations son-image ». Tous ces constats reposent sur des exemples percutants à partir de films et de documents audiovisuels significatifs. Il n'est pas possible, dans ce cadre, d'entrer dans les détails, toutefois l'apport de ces recherches pluridisciplinaires pourrait être brièvement résumé à partir de l'Index  alphabétique) des émotions, en les classant en fonction des occurrences et de l'effet suscité par ces productions audiovisuelles évoquées lors de cette rencontre. Arrivent en tête : peur et amour, puis tension, tristesse, joie, surprise ; enfin : colère, nostalgie, haine, bonheur, dégoût, mélancolie…

Cet apport global et très développé ressort des listes portant sur « le contenu émotionnel de la musique » (p. 285) d'après Michel Imberty et les « oppositions sémantiques » de la magistrale synthèse de Muriel Joubert (p. 289-298). Complété par une imposante Bibliographie thématique, cet ouvrage collectif, avec un apport méthodologique très neuf, propose donc diverses approches d'ordre sémantique, linguistique, analytique et de très utiles « outils de représentation des relations et interactions son et image » dans le cadre de la communication audiovisuelle. Selon la conclusion de Muriel Joubert : « En somme, c'est sans doute à travers les notions d'inter-intentionnalité que s'accomplit ce prodigieux art de la synthèse sensorielle et émotionnelle qu'est le cinéma » (p. 298).
 
 

mardi 1 septembre 2015

Recension du livre de Lin-Ni Liao dans l'Éducation Musicale n°95 : Héritages culturels et pensée moderne. Les compositeurs taïwanais de musique contemporaine formés à l'étranger. BDT0046

L'Éducation Musicale n°95 de septembre 2015
Recension d'Édith WEBER

Lin-Ni LIAO : Héritages culturels et pensée moderne. Les compositeurs taïwanais de musique contemporaine formés à l'étranger.

Collection Pensée Musicale, 2015, 373 p. – 25 €. Réf. BDT0046

Sur le plan culturel, en raison de sa complexité historique, l'Île de Taïwan (ex Formose), séparée de la Chine continentale, a assimilé diverses influences : chinoise, japonaise et occidentale. Lin-Ni Liao s'attache à démontrer le glissement d'une « identité fantasmée à une identité politique », puis d'une « identité culturelle à une identité artistique ». La première partie est d'ordre historique, avec un rappel des diverses occupations néerlandaise, espagnole puis japonaise entre 1895 et 1945. Toutefois, quelques Taïwanais ont poursuivi des études musicales à l'étranger, par exemple Chang Fu-Hsing, suivi de Lee Chi-Chwan, pédagogue marqué par l'éducation occidentale. Jiang Wenye a joué un rôle de novateur dans le domaine de la musique contemporaine, Chen Su-Ti s'est spécialisé dans la musique religieuse pour piano et Kuo Chi-Yuan, dans différentes formations instrumentales. De 1945 à 1960, se produit un « vide culturel avant une ouverture très progressive », avec « une musique nationale et une musique politique », la création d'institutions : Département de musique, École nationale des Arts de Taïwan, mais aussi d'Orchestres nationaux au service de la musique classique et contemporaine. C'est surtout grâce à Hsu Tsang-Hovei que, dans les années 1960, la musique contemporaine et la critique musicale connaîtront un essor remarquable. De 1970 à 1987, une certaine « contrainte politique » se manifeste par exemple avec le Recueil des chants traditionnels populaires ; les efforts portent alors sur la collecte de chants taïwanais et la défense de l'identité nationale, associée à la fondation de la Bibliothèque musicale, à des réflexions de Shin Wei-Liang, à la création du Centre de recherche de la musique traditionnelle chinoise ayant pour objectif la renaissance de la culture chinoise lancée par des efforts pédagogiques envers des enfants doués et la création de classes spécialisées en tenant compte des enjeux sociaux. De 1987 à nos jours, la conscience taïwanaise se dégage, des changements politiques se manifestent et, progressivement, les compositeurs et compositrices s'imposent avec des programmes de musique contemporaine interprétés par des ensembles de percussions et des orchestres de chambre reflétant une « dynamique orientée vers le monde extérieur ».
Le sujet essentiel de cet ouvrage  — si riche en faits, constats accompagnés d'une abondante liste de compositeurs taïwanais ayant étudié à l'étranger — fait l'objet de la deuxième partie. Lin-Ni Liao propose une éclairante revue des musiciens taïwanais formés en Europe : Autriche et France, notamment à la Sorbonne dans les Séminaires des regrettés Professeurs Jacques Chailley et Tran Van Khê, puis de Danièle Pistone, François Picard, Marc Battier. Ils seront initiés à des esthétiques et principes compositionnels très variés, sans pour autant renier l'idée culturelle taïwanaise. Le cursus et le goût français leur ont été inculqués par Alain Weber et Allain Gaussin, sans oublier l'influence de Claude Debussy, tout en aspirant à un langage personnel. Chen Yu est un « compositeur au double cursus ». Le premier musicien formé aux États-Unis est Lu Yan. Plusieurs orientations sont représentées. La musique électroacoustique est aussi en usage à Taïwan dans les années 1960 grâce à Jean-Claude Éloy. Des œuvres s'inspirent de la philosophie traditionnelle chinoise avec, en filigrane, des matériaux culturels chinois.
Lin-Ni Liao a brassé une foultitude de renseignements, de noms, d'institutions situés dans leurs contextes musical, esthétique, politique et par rapport à un héritage culturel très dense. Pour ce faire, elle a élaboré une Table des matières qui se présente comme une revue extrêmement détaillée et précise et une claire mise en ordre (cf. p. 9-15). Ce livre est enrichi d'exemples musicaux et d'Annexes : Liste des compositeurs de musique contemporaine formés à l'étranger, Universités d'accueil (7 Tableaux), et d'une remarquable Bibliographie (p. 335-358) raisonnée et circonstanciée, ainsi que le rappel des sources primaires (divers entretiens) et d'un Index des noms et des œuvres, soit 373 pages résultant d'une Thèse dirigée par Marc Battier. Voilà de quoi instruire les historiens, musicologues, ethnomusicologues, compositeurs, sinologues, bref : tous ceux qui s'intéressent aux problèmes d'identité culturelle orientale, d'acculturation et de créations au XXe siècle et, en général, à l'influence didactique et aux glissements identitaires.